Les constructeurs chinois dans l’automobile européenne

Après avoir tenté, en vain, de vendre en Europe leurs propres modèles, les constructeurs chinois ont changé de stratégie en investissant dans les marques locales. Explications.

constructeurs chinois

Il y a quelques jours, la prise de participation de 5% du chinois BAIC dans le groupe Daimler est passé plutôt inaperçue. Comme si cette opération était devenue une affaire courante. Elle a même été saluée par les marchés qui ont fait progresser le titre du constructeur allemand de 5% la même journée. Et pourtant. Un autre des constructeurs chinois, le groupe Geely, s’était déjà porté acquéreur de 10% des actions MercedesSmart en 2016.

Ce qui porte la participation chinoise à 15% chez l’Allemand, l’équivalent de l’Etat français dans le groupe Renault. Une participation qui pèse d’un poids important dans le conseil d’administration, et dans les décisions du groupe.

Un tiers de PSA détenu par un des constructeurs chinois

Mais cette exception allemande n’en est pas une. D’autres constructeurs européens disposent déjà, dans leur capital, de fonds d’origine chinoise, et plus précisément des constructeurs locaux. A l’instar de PSA. En 2013, Peugeot-Citroën est au bord de la faillite et ne doit son salut qu’à l’intervention de l’Etat français qui décide d’investir dans l’entreprise pour l’empêcher de sombrer. C’est ainsi que sur décision de Bercy, 850 millions d’euros sont investis dans le groupe. Mais la somme est insuffisante. C’est le constructeur Dongfeng qui vient alors à la rescousse du groupe français. Il injecte lui aussi 850 millions, de même que la famille Peugeot qui perd ainsi l’intégralité du capital. Aujourd’hui, les actions de PSA sont divisées en trois. Un tiers est aux mains de la famille, le deuxième tiers est la propriété de l’Etat, mais 33,33% des parts de PeugeotCitroën sont la propriété du constructeur chinois.

Volvo propriété chinoise

Un peu plus au nord, ce n’est pas un tiers du capital d’un constructeur européen que détient un groupe chinois, mais 100%. En 2008, l’américain Ford subit de plein fouet la crise. Il est obligé de vendre ses filiales pour se renflouer. L’une d’elle, le suédois Volvo intéresse le groupe Geely, qui détient également des parts de Daimler. Le groupe chinois pose 1,8 milliards de dollars sur la table et rachète la totalité du capital de Volvo. Mais Geely va plus loin et investit près de 11 milliards pour développer la marque qui, dès lors, n’a jamais été aussi florissante.

Des voitures chinoises interdites d’Europe

Mais au fait, pourquoi les constructeurs chinois investissent-ils dans les marques européennes ? Deux raisons expliquent ces investissements colossaux. Il y a quelques années, les grands groupes automobiles de l’empire du milieu ont tentés d’exporter leurs propres modèles vers le vieux continent. Mais malgré des stands imposants aux salons de Genève, Francfort et Paris, leurs modèles n’ont jamais passé la rampe de l’homologation européenne. Alors, ils ont décidé de changer leur fusil d’épaule. Plutôt que de s’acharner à vendre leurs propres voitures chinoises en Europe, autant investir dans des marques déjà en place. Ce qu’ils font depuis 10 ans.

La fin des co-entreprises

Mais une autre raison permet d’expliquer cette intrusion dans les capitaux des marques d’ici. C’est qu’il y a un an, le gouvernement de Pékin a décidé de mettre fin à une pratique qui perdurait depuis le début de l’éclosion de l’économie chinoise dans les années 80. Jusqu’ici, pour qu’une entreprise étrangère puisse s’établir en Chine, il lui fallait s’associer avec une entreprise locale. Et l’automobile ne faisait pas exception. Résultat : tous les constructeurs locaux avaient fondé des co-entreprises avec les grands groupes mondiaux, une garantie de bénéfices pour eux, au pays où il se vend, bon an mal an, 24 millions de voitures chaque année. Mais à partir de 2022, c’en sera fini. Une entreprise étrangère pourra ouvrir sa filiale en Chine comme dans n’importe quel autre pays. Les groupes automobiles locaux ont donc trois ans pour rattraper ce manque à gagner. D’où leurs investissements dans les groupes auto étrangers, et notamment européens. Une pratique qui ne devrait pas s’arrêter dans les prochaines années, bien au contraire.

Anne-Charlotte Laugier, journaliste, blogueuse et romancière (Ramsay).