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Un retour aux 90km/h en trompe l’œil

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Si, officiellement, les départements français peuvent revenir sur la mesure de limitation de vitesse à 80km/h, peu d’entre eux s’y risquent, tellement les difficultés sont nombreuses.

C’en est fini avec la loi des 80km/h. Enfin presque. Depuis le 1er janvier, le gouvernement a effectivement laissé les choix aux départements de conserver la règle mise en place en 2018, ou de repasser aux bons vieux 90km/h tels qu’ils étaient pratiqués auparavant. Sauf que ce nouveau basculement n’est pas si simple et va bien au-delà d’un simple changement de panneau sur les routes départementales, les seules concernées. Même si la nouvelle signalétique en question, coûterait, selon les estimations, entre 1 et 1,4 million d’euros par département, en fonction de la taille de ces derniers.

10 pages d’explications

Mais à cette somme forcément prise en charge par le contribuable, s’ajoutent plusieurs autres obstacles. Le processus permettant de revenir à l’ancien modèle est détaillé dans la loi d’orientation des mobilités et les différentes préfectures françaises viennent de recevoir une circulaire de 10 pages les expliquant. Charges à elles de les transmettre aux présidents des conseils départementaux qui devront in fine trancher : garder le système actuel, ou revenir aux 90km/h.

Un basculement ultra-limité

Une décision qui est loin d’être évidente. Conserver le système actuel est, de loin, la solution la plus raisonnable. Car outre les frais à engager, le basculement ne pourra se faire, selon la circulaire, que sur les tronçons d’un minimum de 10km sans agglomération, mais aussi sans limitations en virages à 70 ou 50 km/h. Et encore, pour que le retour aux 90km/h puisse être effectif, ces tronçons devront être munis d’alertes sonores sur les bords de la route (un revêtement spécial émettant un son lorsqu’une roue le touche). Mais de plus, tout au long de ces routes nouvellement libérées, les voies opposées devront être physiquement séparées, au moyen de plots réguliers en plastique par exemple. Bien entendu, si des « tourne à gauche » existent sur ces voies, elles ne pourront pas non plus être rendues aux 90km/h. Évidemment, les arrêts de bus sont également prohibés, ainsi que la possibilité de dépasser : les bandes blanches continues seront obligatoires sur ces portions de route transformées.

Très peu de routes concernées

En prenant en compte l’état actuel des départementales, seuls 1 000 km de voies sont aujourd’hui susceptibles de repasser à 90km/h. Un chiffre élevé, mais qu’il faut comparer aux plus de 370 000 km de voies ainsi désignées. Mais ces difficultés limitent les possibilités de transformation de nos routes secondaires, même si elles s’y prètent, car le gouvernement avertit les élus qui s’y risqueraient : en cas d’accident, les victimes, comme les associations de prévention routière pourraient se retourner contre les décisionnaires, à savoir les élus qui ont souhaité revenir à la vitesse initiale.

Un cas de conscience

Autant dire qu’au cours des réunions des conseils départementaux, les élus locaux sont face à un cruel dilemme depuis le début du mois. Revenir sur les 80km/h et donner raison à 88% de leurs électeurs qui souhaitent ce retour, selon un sondage réalisé à l’occasion de l’instauration de la mesure en 2018 ? Ou alors, jouer la carte de la prudence et des économies budgétaires. Pour ne pas être impliqués en cas d’accident, et éviter de creuser le déficit du département. 

Deux France se dessinent 

Devant ce cas de conscience, seuls deux départements sur 95 ont aujourd’hui décidé de revenir aux 90 km/h. Il s’agit de la Haute-Marne et de la Seine et Marne. Deux départements, il est vrai, traversé de grandes lignes droites et peu urbanisés. La Côte d’Or se dit elle aussi intéressée, de même que l’Indre Et Loire. Reste que ce dernier ne transformera que quelques tronçons qui ne nécessitent pas de lourds investissements pour retrouver le chemin des 90km/h. Au final, ce retour possible à une situation d’avant 2018 risque de couper la France en deux : celle des 90 km/h faite de départements de plaine aux grandes lignes droites, et la France des 80km/h, constituée de régions plutôt montagneuse ou, du moins, au profil escarpé.

Anne-Charlotte Laugier, journaliste, blogueuse et romancière (Ramsay).