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Pertes financières : de quoi souffre la maison Renault ?

Avec 141 millions de pertes enregistrées en 2019, le losange essuie son plus gros revers depuis 10 ans. En cause, des modèles haut de gamme en mauvaise forme, un marché chinois défaillant et des dividendes de Nissan aux abonnés absents.

Renault

L’annonce des mauvais résultats la semaine passée a créé la surprise. En annonçant les pertes enregistrées au titre de l’exercice 2019, Clotilde Delbos, la directrice générale du groupe Renault n’a pas exclu une fermeture d’usine et des suppressions d’emplois. Si leur nombre n’est pas encore à l’ordre du jour, la fin de l’unité de production de Flins est envisagée. Autant dire que la situation de l’ex-régie est plutôt préoccupante et, entre une situation internationale compliquée, et une transformation radicale du secteur vers l’électrique et des normes environnementales de plus en plus draconiennes, les mois et les années à venir ne sauraient permettre d’améliorer la situation. Mais qu’est ce qui a conduit le losange à creuser ainsi son déficit ? C’est une conjonction de facteurs, liés à la fois à la mévente de certains produits, à la récession chinoise et à la mauvaise passe que traverse l’alliée de l’alliance : le japonais Nissan.

Des soucis dans le haut de gamme

Renault a beau être un constructeur généraliste plutôt spécialiste des petites voitures (la Clio est la citadine polyvalente la plus vendue en Europe), il a toujours tenté de développer et de vendre de grandes voitures de haut de gamme. Car c’est sans ce segment que les marges sont les plus intéressantes. Une opération qui n’est pas toujours couronnée de succès. Pendant près de deux décennies, l’Espace a constitué une source de rentabilité non négligeable. Or, la cinquième mouture du monospace se vend mal. De même pour la grande berline Talisman. Les clients négligent ce type de voiture et n’ont d’yeux que pour les SUV. Mais le Kadjar, le crossover compact de la marque se fait damer le pion par la star incontestée du genre en France : le Peugeot 3008.

La Chine en berne

Mais ce déficit de modèles haut de gamme rentables n’est pas la seule cause du dévissage du chiffre d’affaire du groupe. Renault a décidé de s’investir en Chine en 2015. C’est l’un des derniers constructeurs mondiaux à tenter de s’implanter au sein du premier marché mondial qu’est l’Empire du milieu. Mais à peine trois ans plus tard, le marché automobile chinois a entamé sa récession, baissant de 6% en 2018 et de plus de 7% l’an passé. Autant dire qu’une nouvelle marque européenne inconnue n’a pas pu tirer les marrons du feu d’une telle situation, alors même que des marques bien installées comme Nissan y ont laissé des plumes

Le manque de dividendes japonais

Nissan justement, est l’un des colocataires de Renault (avec Mitsubishi) dans l’Alliance portée à bout de bras par Carlos Ghosn pendant vingt. Et quand Nissan va mal, Renault trinque. Car le losange est actionnaire du constructeur nippon à hauteur de 43% et en tire de juteux dividendes lorsque les affaires de ce dernier vont bien. Or, depuis 2018, Nissan va mal. Les Etats-Unis et les gros pick-up qu’il vend là-bas ne suffisent pas à assurer sa rentabilité. Quant à l’Europe, son best-seller Qashqai est talonné par tous les autres SUV compacts qui ont marché dans les traces de son précurseur. Même son SUV urbain, le Juke, a trop tardé à se renouveler, ce qui est chose faite aujourd’hui. 

Une conjonction de déconvenues

En additionnant les produits hauts de gamme en berne, la mauvaise posture chinoise et le manque de subsides en provenance du Japon, c’est une conjonction de déconvenues qui ont poussé les finances de Renault vers le rouge. Luca De Meo, qui doit en prendre la direction au mois de juillet prochain devra redresser la barre. Si la tempête qui secoue l’automobile mondiale le lui permet.

Anne-Charlotte Laugier, journaliste, blogueuse et romancière (Ramsay).