Malus au poids : une fausse bonne idée
L’intention de départ n’était pas inavouable : taxer le poids des voitures pour détourner les automobilistes des SUV lourdauds. Mais les concepteurs de la mesure, très loin d’être validée ont oublié un détail : les autos électriques sont plus lourdes que les thermiques et pourraient pâtir d’une telle taxe. Le malus au poids ? Une fausse bonne idée sûrement bientôt avortée.
Tollé dans le landerneau : depuis quelques jours, la filière automobile est en émoi. Une nouvelle formule de pénalité pourrait, en effet, voir le jour, et elle s’ajouterait à la taxe sur le C02 déjà existante. L’idée de cette sur-taxe : pénaliser les voitures de plus de 1,4 tonnes, et favoriser par un bonus les autos de moins de 800 kg. Pourquoi pas ? On sait que les lourds SUV, de par leur aérodynamique plus que moyenne et leur masse, polluent plus que les autres. Sauf que cette taxe aurait son revers : les voitures électriques sont elles aussi trop lourdes. Une Renault Zoe pèse ainsi 1,5 tonnes et c’est loin d’être la plus lourde. A l’inverse, aucune voiture, sauf des autos sans permis, ne descend sous les 800kg. On le voit, la mesure, en l’état, est inapplicable.
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Une proposition de la convention citoyenne sur le climat
Pour autant, le courroux des professionnels de la filière automobile est pour le moins surjoué. Car le malus au poids n’est absolument pas un décrêt applicable demain matin. Il ne s’agit que de l’une des propositions de la fameuse convention citoyenne sur le climat qui a réuni au printemps, 150 français tirés au sort et chargés de faire des propositions au gouvernement. Parmi ces propositions concernant l’automobile, nombre d’entre elles sont supprimées au fur et à mesure. C’est le cas de l’interdiction des courses automobiles. Le malus au poids, avant d’être appliqué, doit, dans un premier temps être examiné et validé par la commission chargée du projet de loi de finances 2021 et pourrait bien subir le même sort que l’arrêt des courses auto. A moins qu’il ne soit réaménagé, en excluant notamment les voitures électriques et en remontant le bonus à 1 200 kg, ce qui le rendrait plus légitime.
Malus au poids : une mesure « absurde »
Luc Chatel, le président de la Plateforme de la Filière automobile (PFA), alerte sur cette mesure issue des propositions de la Convention Citoyenne sur le Climat qui pourrait taxer les autos en fonction de leur masse. Cette mesure qui toucherait aussi les véhicules électriques et hybrides forcément alourdis par le poids des batteries, concernerait « 70 % des véhicules fabriqués en France ». Du coup, les autos hybrides « bénéficieraient à la fois d’un bonus pour les émissions de CO2 et d’une pénalité pour la masse ». En application de ce malus, selon le document issu du rapport de la CCC, un Porsche Cayenne de 1985 kilos écoperait ainsi d’un malus de 5850 euros. Mais un Peugeot 3008 hybride rechargeable pesant 1853 kilos serait lui aussi pénalisé d’un malus s’élevant cette fois-ci à 4530 euros, alors qu’il bénéficie actuellement d’un bonus écologique à l’achat de 2000 euros pour ses émissions de CO2 réduites.
Vers une réduction des subventions à l’achat ?
Luc Chatel redoute également une réduction des subventions à l’achat d’automobiles dans le projet de loi de finances pour 2021, quelques mois après l’annonce d’un grand plan de soutien au secteur automobile fortement impacté par la pandémie. « Nous demandons d’abord et avant tout de la stabilité et de la visibilité dans les dispositifs qui sont annoncés. Ce qui nous fait peur aujourd’hui c’est qu’on est en train de revenir sur cette stabilité », a expliqué le président de la PFA. « Quatre mois après l’annonce du plan de soutien par le président de la République, on a sur la table des propositions visant à baisser à nouveau le bonus à l’achat et à accroître la sévérité du malus. On va revenir sur des principes actés juste avant l’été », a critiqué l’ancien ministre. Luc Chatel estime « à 60.000 a minima le nombre d’emplois menacés au coeur de cette crise, soit 15% des 400.000 emplois que compte la filière ». Luc Chatel a rappelé que le marché automobile français devrait reculer au total de 25% sur l’année 2020, après une chute historique au printemps liée au confinement. Pire, la production de l’Hexagone devrait reculer de 40%, entre 1,3 et 1,4 million de véhicules, contre 2,2 millions l’an dernier.
Reste donc à savoir si le gouvernement appliquera bien cette mesure du malus au poids : d’un côté, Emmanuel Macron s’est engagé à regarder de près les mesures de la Convention Citoyenne sur le Climat, de l’autre, Bruno le Maire insiste : il n’y aura pas de nouvelles hausses de fiscalité pour les ménages et les entreprises. L’exécutif tranchera.