11 propositions pour relancer l’industrie automobile
L’Institut Montaigne, think tank très écouté par les décideurs politiques, publie une note intitulée « Automobile : feu vert pour une industrie durable » dans laquelle il émet onze propositions concrètes pour relancer l’industrie automobile et assurer l’avenir d’un secteur économique bien mal en point. Le Plan d’investissement massif France 2030 présenté le 12 octobre par le Président de la République qui accorde une large part à l’industrie automobile va dans le sens des recommandations de l’Institut Montaigne.
Sommaire de l'article
Une industrie stratégique pour la France
La France est un pays historique de l’industrie automobile. Malgré les difficultés actuelles, la filière automobile emploie encore 400 000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 155 milliards d’euros. C’est rien de dire que ce secteur constitue un enjeu majeur pour l’économie de notre pays.
D’où l’importance de relancer l’industrie automobile. « Avec une valeur ajoutée annuelle de l’ordre de 13 milliards d’euros et une dépense de recherche et développement (R&D) annuelle de 4,4 milliards d’euros, l’industrie automobile française est une composante essentielle du tissu économique français et un maillon important de notre souveraineté technologique », constate Aloïs Kirchner, de l’Institut Montaigne, auteur de la note « Automobile : feu vert pour une industrie durable ».
Un colosse aux pieds d’argile
Le problème, c’est que l’industrie automobile française est de moins en moins compétitive. Selon l’Institut Montaigne, elle est fragilisée par un déficit de compétitivité du territoire français, évalué entre 300 et 600 € par véhicule.
« Ce déficit représente entre 0,6 à 1,2 milliard d’euros par an pour les seules activités d’assemblage final, et constitue la principale source de l’érosion continue de la production automobile nationale, passée de 3,5 millions de véhicules par an au début des années 2000 à moins de 2 millions aujourd’hui », précise Aloïs Kirchner.
A l’origine des difficultés de notre industrie automobile, il y a également un coût du travail plus élevé que celui de la plupart des pays d’Europe mais aussi, mal très français, une fiscalité de production plus importante. Sans oublier, bien sûr, un contexte particulier de réduction obligatoire des émissions de gaz à effet de serre qui impose à tous les constructeurs automobiles d’adapter leur stratégie.
Industrie automobile : agir sur tous les leviers
Pour l’Institut Montaigne, « la fragilité de l’industrie automobile française limite aujourd’hui sa capacité à investir dans la révolution digitale et la rend plus vulnérable au choc que constitue la transition accélérée vers le véhicule zéro émission ». Or, selon le think tank, les conséquences pourraient être dramatiques dans quelques années, au regard de la concurrence féroce exercée par les nouveaux entrants chinois et américains.
Pour pallier ces difficultés et donner sa chance à l’industrie française et européenne, il convient d’agir sur tous les leviers : d’abord, repenser la réglementation environnementale européenne, mais également française, ensuite, apporter un soutien direct à l’industrie automobile et enfin, soutenir la demande. Pour ce faire, l’Institut suggère onze propositions concrètes.
Proposition n°1 pour relancer l’industrie automobile
Avancer à 2024 la fixation d’un plafond d’intensité carbone moyenne pour les batteries utilisées par des véhicules commercialisés en Europe par un constructeur donné. Dans l’industrie automobile, ce plafond initialement fixé autour de 90 kgCO2/kWh, décroît progressivement, parallèlement aux objectifs de normes d’émissions de l’Union européenne.
Proposition n°2
Supprimer le paramètre de masse dans le cadre de la révision du règlement européen dans l’industrie automobile établissant les normes d’émissions de CO2 des véhicules devant être présentée d’ici la fin de l’année.
Proposition n°3
Passer d’une réglementation “du réservoir à la roue” à une réglementation “de la production à la roue”, qui inclut tant le contenu carbone lié à la production du véhicule que sa consommation de carburant en cycle de vie.
Cela permettrait d’éviter l’interdiction pure et simple des véhicules thermiques hybrides rechargeables en 2035, que propose la Commission européenne de l’industrie automobile, si tant est qu’ils parviennent à atteindre en vie réelle les niveaux d’émissions aujourd’hui constatés sur les données d’homologation.
Proposition n°4
Rétablir une trajectoire de taxe carbone dans les prix des carburants sur longue période. Accompagner cette trajectoire par des mesures de soutien à une offre compétitive et innovante de véhicules produits en France ou en Europe et un soutien financier à l’acquisition de véhicules propres pour les ménages modestes.
Concomitamment, supprimer les exemptions de taxes sur les carburants qui n’ont pas de justification économique ou environnementale dans l’industrie automobile.
Proposition n°5
Rendre interopérable partout en Europe les critères de restriction de circulation à visée environnementale de l’industrie automobile pour limiter la fragmentation du marché, en se fondant sur les normes EURO.
Dans ce cadre, ne pas faire de différence de traitement entre les véhicules essence et diésel postérieurs à septembre 2019 et, en particulier en France, donner accès à la vignette Crit’Air 1 à tous les véhicules immatriculés postérieurement à cette date.
Proposition n°6
Inclure dans les normes EURO des limites aux émissions de particules fines issues du freinage et de l’usure des pneumatiques.
Proposition n°7
Prévoir un soutien financier annuel de l’ordre de 1 milliard d’euros par an pour l’innovation et l’investissement dans l’industrie automobile. Ces soutiens pourront notamment transiter par le “CORAM”, qui devrait être pérennisé, ou bien s’inscrire dans le cadre de soutiens spécifiques aux PME et ETI ou à des programmes d’innovation d’envergure européens (IPCEI).
Le soutien aux PME et ETI devrait représenter au moins 25 % de l’enveloppe, en tirant avantage des régimes d’aides plus souples qui existent pour les PME.
Proposition n°8
Améliorer la coordination européenne sur les sujets d’intérêt commun, au-delà de l’hydrogène et des batteries, en particulier dans le domaine digital (chaîne de puissance et de traction électrique, cartographie, connectivité, conduite autonome, mobility as a service, smart charging, vehicle-to-grid…), avec pour objectif de faire émerger des projets communs dans les domaines où les nouveaux entrants américains et asiatiques menacent le leadership industriel européen.
Proposition n°9
Programmer un investissement public pluriannuel suffisant pour couvrir le besoin d’installation de 467 000 bornes de recharge électriques dans l’espace public d’ici à 2030 (environ 180 millions d’euros par an jusqu’en 2030, dont les mécanismes de prise en charge déjà existants couvrent approximativement la moitié).
Mettre en place une administration de mission légère pour coordonner ce plan dans une logique de partenariat public/privé associant tous les acteurs pertinents (entreprises et collectivités), à l’image de l’Agence du Numérique pour le plan France Très Haut Débit (France THD).
Proposition n°10
Maintenir un système de bonus électrique jusqu’à fin 2025, date à laquelle la parité prix entre les véhicules électriques et les véhicules thermiques pourrait être atteinte. Ce bonus pourrait être de 5 000 € par véhicule électrique en 2022, 3 000 € en 2023, 2 000 € en 2024 et 1 000 € en 2025.
Proposition n°11 du plan de relancement de l’industrie automobile
Réinstaller, concomitamment au rétablissement d’une trajectoire carbone ambitieuse et à l’interdiction progressive des véhicules les plus polluants dans les grandes agglomérations, un dispositif de prime à la conversion ambitieux, centré sur les ménages de la classe moyenne inférieure (cinq premiers déciles), pour un volume d’au moins 2 milliards d’euros par an (à ajuster en fonction de l’ambition de la trajectoire carbone et du nombre de zones concernées par des zones à faibles émissions, et en utilisant le cas échéant le Fonds social pour le climat européen).